Le Harem-6

Incendie
mardi 3 juillet 2012
par  Arkann
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La situation d’Arkann était très précaire, et il le savait. Paradoxalement, celle contre qui il en avait était celle contre qui il ne pouvait rien, ce qui rendait sa colère pour le moins frustrante. Son contrôle sur le harem était chancelant, et le demeurerait pour longtemps : les femmes du harem étaient en guerre, courroucées, bouleversées de ne pas l’avoir stoppé. Toutes voulaient le châtier, mais Aurélie les avait convaincues de prendre un autre chemin, de négocier.

Ce qu’elles appelaient une négociation, il appelait un ultimatum. Il n’avait eu d’autre choix que de plier.

Il était maintenant épié en tout temps lorsqu’il n’était pas en compagnie de l’une d’elles. Son laboratoire privé était maintenant ouvert de la même manière que sa forge et il devait être accompagné par des apprenties en tout temps lorsqu’il utilisait son laboratoire. La seule exception était son bureau, qui demeurait fermé à toutes, impénétrable. Il avait juré de tout détruire, de réduire en cendres les milliers de tomes irremplaçables qui s’y trouvaient. Sa librairie personnelle. Elles avaient été horrifiées par cette menace, car il partageait parfois certains de ces livres avec elles, et elles savaient combien cette librairie était unique, la convoitait. Elles savaient combien elle était chère à Arkann, et qu’ils les maudiraient jusqu’à la fin de ses jours pour l’avoir poussé à une telle extrémité. Il avait juré de ne jamais utiliser son bureau pour tendre des pièges, mettre en mouvement ses plans contre d’autres males, ou encore communiquer avec des assassins. Elles l’avaient forcé à verser son sang comme gage de sa parole, et avaient utilisé ce sang pour créer un sortilège qu’il avait accepté de ne pas résister. S’il manquait à sa parole, il souffrirait d’intenses douleurs dont seul le harem pourrait le libérer. Scellé par son sang, accepté sans résister, il doutait pouvoir jamais se débarrasser de ce boulet.

Comme si ce n’était pas assez, elles l’avaient forcé à révéler les pièges et plans couramment actifs, encore une fois au travers de son sang. Il avait bien tenté de taire ses meilleurs plans, mais son sang, versé sciemment et de son propre gré avait été sa perte. Elles avaient même poussé l’audace jusqu’à le forcer à révéler comment il s’y était pris pour ses assassinats, et s’il en avait commis d’autres qu’Aurélie ne connaissait pas. Il avait été obligé d’admettre deux autres cas, et même Aurélie avait été sidérée.

Il avait causé la mort de sept males, la plupart redoutables, et l’outrage n’avait fait que grandir, mais aussi le respect, le désir de porter sa progéniture, ainsi que la fierté d’être de son harem : leur espèce était ainsi faite qu’elles feraient tout pour le stopper, mais un male aussi dangereux était irrésistible, doté des qualités qu’elles désiraient toutes pour leurs enfants.

Le chat était hors du sac. Dans peu de temps, toutes parmi leur espèce sauraient ce qu’il avait fait. Le harem serait abreuvé d’injures pour son impuissance passée, pour la perte de tant de males qui auraient pu leur fournir une place dans un harem s’ils avaient vécu, mais cela ne durerait que quelques années, et le prestige de faire partie du harem d’un male aussi retors était énorme, dépassant même celui de faire partie du harem d’Aramis.

Il avait beaucoup perdu, elles avaient beaucoup gagné, mais elles ne le voyaient pas ainsi. Il trouvait injuste de devoir être si précautionneux après tout ce qu’il avait concédé. Son humeur était massacrante. Le harem l’accusait de bouder, mais il ne faisait que panser ses plaies. Toutes les nuits depuis sa cuisante défaite, il les avait passées sans l’une de ces vipères. Il ne pourrait longtemps continuer ainsi sans répercussions néfastes, mais elles aussi devaient faire attention, et si elles le renversaient maintenant, elles s’assureraient d’une profonde rancœur de sa part, et elles étaient conscientes qu’une solution qu’il pouvait voir à sa situation était de rebâtir le harem au complet.

Ou bien de s’échapper, repartir à neuf. Une solution radicale, mais qu’il considérait maintenant. Le plus difficile serait de sauver ses plus précieuses possessions dans sa fuite, un problème qu’il avait partiellement résolu dans le passé en prévision d’une situation comme celle qu’il vivait. Non. Il n’était pas temps pour le harem de pousser plus loin.

Il donna un violent coup de pied dans le coffre de campagne, incapable de s’empêcher de montrer sa frustration même s’il se savait espionné. Même les cauchemars terribles qu’il avait donné au Duc de Ligonne pour se nourrir et le punir n’avaient pas fait baisser sa frustration.

Puis il entendit le cognement donné par la sentinelle sur un poteau. « Oui ? »

La sentinelle entra, un soldat d’un certain age au visage buriné par la guerre et les intempéries, « le commandant de la garnison de Ref pour vous voir, votre grâce. »

« Bon, faites le entrer. »

Quelques instants après, un officier portant les couleurs de Ligonne entra dans la tente, l’air mal à l’aise. Beaucoup de rumeurs couraient sur la nature d’Arkann, la plupart fausses, mais il n’y en avait pas beaucoup de bénignes. Il se présenta de manière courtoise, et en vint rapidement aux faits.

« Votre grâce, vous n’êtes pas sans savoir que vous traversez présentement le territoire du Duc de Ligonne, et je n’ai obtenu aucune information à cet effet… »

« C’est compréhensible, Commandant, » Arkann commença, avec un sourire. « Je n’ai aucune autorisation. J’ai envoyé un messager pour aviser le Duc, mais il n’a probablement pas encore eu le temps de vous faire parvenir son autorisation. »

L’officier hocha de la tête. « Je suis certain que cette autorisation parviendra dans les jours qui viennent, et je suis certain que vous n’aurez pas d’objection à accepter mon hospitalité pendant que nous attendons. »

« Au contraire. Le temps presse, » Arkann dit, d’un ton triste. « La Reine de Marsalis, ma fiancée, est durement pressée par des cohortes de mercenaires et de bandits. Je vole à son secours, et mes escadrons de cavalerie doivent passer sans attendre. Demain, nous franchirons le col de Ref. »

Le commandant se retrouvait dans une position fort fâcheuse, et Arkann prenait plaisir. Ce n’était pas sportif de s’en prendre à un officier coincé entre devoir et obligation, mais il était d’humeur massacrante. L’officier temporisa. « Je n’avais pas entendu parler de vos fiançailles, votre Grâce. Veuillez accepter mes plus sincères félicitations. »

« Merci, commandant. Vous comprenez donc pourquoi je dois rejoindre ma tendre fiancée au plus vite. » Il était probablement le premier en plusieurs siècles à associer ‘tendre’ avec la Reine de glace.

« Je comprends, et soyez assuré que ma garnison vous assistera au meilleur de nos ressources, mais j’ai bien peur qu’une avalanche tardive n’ait bloqué le col. J’ai des hommes en train d’ouvrir un chemin, et la voie sera de nouveau praticable dans quelques jours. En attendant, me feriez-vous l’honneur d’accepter de loger dans mes quartiers ? »

Arkann se devait d’admettre que l’officier faisait aussi bien qu’il le pouvait avec les cartes qu’il avait. Malheureusement pour lui, Arkann savait très bien que le col était parfaitement praticable.

« Je vous remercie de votre offre, qui est fort appréciée, mais en campagne, je reste toujours avec mes hommes. D’ailleurs, je vais être avec eux lorsque nous irons assister vos hommes à dégager le col. Je suis certain qu’autant d’hommes et de chevaux seront d’une grande aide. » Les auxiliaires ne rapportaient aucune accumulation de neige pouvant être tournée en avalanche par des mains malveillantes. Demain, il passerait le col.

L’officier hésita un moment, puis s’accrocha à l’espoir qu’un messager arriverait pendant la nuit. Il pouvait toujours interdire le passage à l’aube. Après quelques mots de plus, il s’en alla, pour laisser place à Milène qui entra dans la tente.

« Quel messager ? »

« Celui que je n’ai pas envoyé, » répondit-il, sèchement. « Ligonne peut aller se faire voir. »

Cette réponse ne la surprenait pas. « Notre train de ravitaillement est lent et vulnérable. La distance à parcourir est longue. Les hommes de Ligonne trouveront des raisons pour expliquer pourquoi personne ne peut rien vendre à ton armée. Des ‘bandits’ attaqueront tes unités de ravitaillement. Un peu de diplomatie arrangerait beaucoup. »

Le sourire d’Arkann était mauvais. « Si Ligonne veut en découdre, je serai heureux de lui procurer ce plaisir. Pour ce qui est des ravitaillements, ils viendront de Marsalis, mais déplace quelques auxiliaires pour couvrir mes convois. Elles ne doivent pas intervenir sauf pour aviser les convois. Nous allons voir ce qui se passera avec la forteresse de Ref, demain. S’ils ferment les portes, ça sera problématique. Il faudra altérer le commandant. » Il n’avait aucun engin de siège. La magie pouvait être utilisée, mais la manière simple et sans fracas était d’altérer la réalité des officiers clefs.

Elle sourit. « J’ai mieux. De faux papiers, un faux messager, une caresse à l’esprit du commandant pour enlever ses doutes. Tout simple, et rien qui n’éveillera les soupçons de quiconque. Une ruse de guerre, rien de plus. »

Arkann grommela –il était d’humeur massacrante et espérait presque un combat- mais acquiesça. Puis, voyant que Milène ne partait pas, « autre chose ? »

« Ma ceinture. Tu n’as pas rempli tes promesses. »

Son regard était dur. « Vous m’avez imposé un choix qui n’était pas le mien. Ma promesse dépendait de mon libre choix, ce que n’ai pas eu. Tu dois maintenant vivre avec les conséquences. » Il aurait ajouté plus, et plus cinglant, mais une mesure de prudence le retint.

L’expression de Milène s’assombrit. « Ta parole ne vaut pas grand-chose, je vois, » elle dit, d’un ton froid comme une nuit d’hiver.

Il la regarda droit dans les yeux. « Tu sais très bien que ce n’est pas le cas, et tu n’aurais pas attendu tout ce temps pour me parler si tu pensais être dans ton droit. Si tu veux prétendre, je te donnerai des raisons de le faire, mais sache que je ne suis pas d’humeur à être contrarié sur ce point. »

Elle serra les dents. Il l’attendait, il espérait qu’elle lui fasse des menaces, mais elle était trop intelligente et sentait la hargne en lui. Sa réaction fut surprenante, quoiqu’à la hauteur de celle qui avait la responsabilité du harem. La tension la quitta, et elle lui donna un sourire fatigué. « Pas facile. Est-ce qu’on essaie de voir comment on peut revenir à la normale ? »

Plus jeune, il aurait répondu de manière aigre ou arrogante. Elle avait fait le premier pas. S’il refusait l’offre, c’est lui qui aurait à faire le premier pas, plus tard, quand il lui en coûterait plus de le faire.

Il fit un geste vers la table démontable. Des coffres de chaque bord servaient de chaise. Ils s’assirent, et elle rassembla ses idées quelques instants.

« Je te connais. Tu te prépares pour le pire. Je ne te cacherai pas que la pression pour que nous te renversions est grande. J’y résiste. Moi et Aurélie travaillons le harem avec l’aide de Circé. Te renverser est un art qui a ses règles, un jeu qui doit se faire dans une humeur correcte et délibérée. Si nous te renversons maintenant, le harem voudra te punir pour tes crimes. Si nous te punissons, nous cultiverons en toi une aigreur qui détruira le harem la journée ou tu reprendras tes droits. » Elle parlait franchement, et c’était l’une des raisons pourquoi elle était en charge.

« De par ton attitude, tu provoques. Tu cherches la bataille. Tu compliques ma tâche. De notre coté, nous t’avons asséné un coup comme tu n’en as jamais eu et nous comprenons ta rogne. C’était nécessaire, tu n’auras jamais d’excuse, mais moi aussi je pense souvent au probable et au pire. » Elle le regardait dans les yeux, ne cherchait pas à cacher ses états d’âme. « Il y a longtemps, j’ai été brièvement auxiliaire. Puis j’ai été éjectée. J’ai erré, j’ai traversé mon désert, des siècles durant. Le reste tu connais. Je ne veux pas retourner dans le désert. Les autres oublient, c’est facile, et personne ne veut y penser. »

Il y eu un moment de pause, puis, « je crois que tu as tort d’être fâché pour les choses que tu nous as obligé à te faire. Tu crois que nous avons tort de continuer à être en colère. Que dirais-tu de déclarer que nous avons tout deux raison, ou tout deux tort ? Fouette Sia, soit cruel avec elle si cela te fait du bien. Elle aimera. Déflore Maya, soit brutal sans réserve, prends ton plaisir sans penser au sien. Elle t’en voudra, elle cherchera à se venger, mais c’est ton droit. Si tu veux, je l’avertirai même, pour qu’elle cherche à te fuir, à te résister. Peut-être veux-tu que nous fassions un détour pour visiter le Duc de Ligonne ? Si une guerre d’envergure t’aiderait… l’Empereur est ton pantin, et l’Empire à des voisins à conquérir. J’aurai besoin de ton aide, mais à nous deux, nous pouvons régler tout cela à l’amiable. »

Elle avait terminé. Il prit son temps, versant du porto dans deux verres d’étain avant d’y goûter. Ils burent en silence pour de longues minutes.

« Peut-être. »

Elle sourit, chaleureusement. « Oui, en d’autres termes. »

Il laissa échapper un grognement. Accepter la paix était parfois difficile.

« Pour ce qui est de mon prix, maintenant, » dit-elle, avec confiance.

« Ton prix ? »

« Bien sur. Tu ne penses tout de même pas que je vais prendre ton bord sans une juste rémunération ? Je ne me rendrai pas populaire. Je vais devoir être stricte. »

« Dis toujours, » il lui dit, d’une voix sèche. Il n’était pas surpris.

Elle le jaugea du regard quelques instants, puis se leva et vint s’asseoir sur ses cuisses, mettant ses bras autour du cou d’Arkann. « Est-ce que tu m’aimes ? »

Son premier réflexe était de tourner les yeux et de grogner. Il détestait quand l’une d’elles faisait cela. L’amour parmi leur espèce était une chose possessive, jalouse, féroce et étouffante. Milène n’était pas du genre à poser ce genre de question, et il ne suivit pas son réflexe, la considérant du regard.

« Toi, tu as quelque chose en tête. »

« Oui. Réponds. »

Il tentait de deviner, tout en formulant sa réponse. « Je t’estime beaucoup. Belle, intelligente, fière. Tu es fourbe et sournoise quand cela te sert bien, mais tu choisis tes moments avec sagesse. Tu es celle de mon harem que je crains le plus. Tu es toujours avec moi malgré avoir mené deux renversements, ce qui devrait répondre à ta question. Et moi ? M’aimes-tu ? » Ce jeu pouvait ce jouer à deux.

Elle ria. « Quelle question. Bien sur, puisqu’il n’y a que toi que je puisse aimer, et cela vaut pour les autres, excepté Aurélie qui a vraiment joué un coup de maître. » Il y avait de l’envie dans sa voix. « Tu me dis fourbe et sournoise, et tu me flattes, mais ce n’est rien comparé à toi. Tu es sept fois meurtrier ; cela me désole et me rend furieuse quand je pense à ces pauvres males, mais il demeure que tu es le pire male depuis Aaren et c’est une chose irrésistible pour nous. Le harem brûle de fureur, mais aussi d’un désir renouvelé et multiplié de porter tes enfants, et c’est l’une des raisons pourquoi le harem est si difficile à contrôler alors que tu nous boudes. »

Elle eut un moment de pause, caressant le cou d’Arkann alors que celui-ci l’enserrait dans ses bras et la tirait contre lui. Elle pouvait sentir sa chaleur. Elle continua, lui mordillant l’oreille par moments, « tu es généreux avec tes enseignements, le partage de tes connaissances, l’épanouissement de nos talents même si tu peux faire mieux. Tu n’es pas déraisonnable comme la plupart, tu n’es pas imbu de toi-même comme la majorité. Tu nous crains, sans nous craindre. Tu ne vois pas être renversé comme une atteinte à ta masculinité, comme une insulte mortelle, comme une honte. Tu est confiant. La manière avec laquelle tu traites tes auxiliaires dit beaucoup : tu ne leur dois absolument rien, mais tu vas parfois parmi elles, pour les aider à grandir, leur montrer comment maîtriser leurs pouvoirs. Je déteste quand tu passes du temps avec elles, car ce temps n’est pas passé avec nous, mais je me rappelle les décennies passées comme auxiliaire. Je me rappelle ces deux fois ou tu as daigné me consacrer une nuit, le plaisir que tu m’as donnée par tes caresses, avec ta bouche. Tu m’aurais demandé de me laisser pénétrer, de te laisser me déflorer que j’aurais accepté, sans désirer rien de plus. »

Elle le caressa de son nez, savourant pendant de longs instants la manière avec laquelle il utilisait ses mains, comme lors de cette première nuit, il y avait longtemps, comme s’il redécouvrait son corps malgré les vêtements qu’elle portait.

Elle l’embrassa de manière presque tendre, et Arkann répondait comme elle avait espéré, lui faisant suffisamment confiance même s’il ne savait toujours pas son but ultime, n’assumait pas que ceci n’était qu’une vulgaire tentative de se débarrasser de sa ceinture. Ce serait un résultat, mais pas le but.

Elle savoura le moment, la curiosité qui se lisait sur le visage d’Arkann, ses doigts qui s’étaient glissés sous sa tunique et qui lui caressaient maintenant le creux du dos. Un dernier examen de conscience, de ses vrais désirs, du risque terrible qu’elle allait prendre. Rien n’avait changé. Des jours durant elle y avait pensé, avait soupesé son choix.

Elle se commit. « Arkann. Tu ne peux le savoir avec ce corps d’humain que je porte, mais je suis en chaleur. » Fermement, sans dévier de sa trajectoire, le fixant des yeux. « Rends moi enceinte. Ce seront des jumeaux. Ils seront males. »

Voila, c’était fait. Joie, tristesse, désir, incrédulité. Ces choses pouvaient se lire sur le visage d’Arkann. Une joie à une offre qui n’était pratiquement jamais faite. Tristesse, car il était très rare qu’une femme ne survive à l’allaitement de deux bouches se nourrissant de son lait maternel et de son sang. Seule la femme décidait si elle aurait des males, et elle le faisait en sachant le risque mortel qu’elle courait.

« Milène… » la voix d’Arkann était rauque, étreinte d’émotion, et elle était touchée, car elle sentait qu’Arkann allait résister. Elle mit un doigt sur ses lèvres. « Il n’y a qu’une raison pour me refuser : si tu penses que je ne suis pas digne. » Par tradition, un male ne s’accouplait ainsi qu’avec les plus fortes, celles qui donneraient des males capables de se défendre, de prendre harem et de le contrôler.

Elle sourit lorsqu’elle mit la main sur le devant des pantalons d’Arkann et sentit l’érection forte et fière qu’il arborait. Elle se leva. « Viens… »

Il la suivit, comme prit dans une transe. Elle était plus calme que lui, plus posée, ayant eu le temps de se faire à l’idée. Il frémissait d’impatience, l’instinct le prenant complètement. Elle l’amena au centre de la tente, poussant un coffre se trouvant dans le chemin, et se dénuda rapidement, puis l’aida avec ses vêtements. Arkann laissa passer un vil juron en voyant la ceinture qu’elle haïssait tant, et qu’il lui fallait maintenant enlever.

Elle avait peur. Elle savait qu’il serait difficile de demander à Arkann de reculer, mais il trouverait le moyen si elle le lui demandait. Elle avait peur… mais elle désirait cela, pariait sa vie qu’elle serait l’une des rares suffisamment forte pour survivre. Elle voulait ceci. Elle mettrait au monde deux précieux males. Prestige et influence seraient siens. Et puis il y aurait la manière attentionnée avec laquelle Arkann la traiterait dans les mois à venir, la connaissance et le pouvoir qu’il allait lui confier. Et c’était sans compter qu’elle l’attacherait à elle pour ce cadeau inestimable. Si elle survivait.

Et puis un autre pas était franchi : sa ceinture glissa, la libérant. Elle poussa Arkann pour l’empêcher de la saisir de vitesse. Tel un puceau lors de sa première nuit, il oubliait des détails. Le godemiché de métal se trouvait toujours profondément en elle, et elle le retira lentement, sous ses yeux impatients, avides. Le métal luisait ; surexcitée, elle avait réussi à se donner plusieurs orgasmes avant de venir, et le moment était maintenant venu. Elle sentait la présence du harem, qui savait maintenant ce qui se tramait et voulait être témoin de cet acte rare.

« Ta forme, Arkann. Prends ta forme… le harem te cachera. »

Il était impatient, frémissant d’envie, mais elle avait tout le levier du monde, et il s’exécuta sur le champ. Jamais le harem ne trahirait cette violation des termes de son exil.

Le passage ne prit que quelques secondes… et debout devant elle était maintenant Arkann dans toute sa gloire : noir comme la suie, la ou les flammes ne le mordaient pas. Une fumée noire et dense s’échappait de ses naseaux chaque fois qu’il respirait. Il était grand, une carrure massive, des bras puissants. Une crinière de feu, une queue enflammée, et de gros sabots embrasés, menaçant de tout mettre en feu. Un humain aurait été terrifié par l’apparition presque démoniaque. Énorme, deux jambes, deux bras, des traits équins qui étaient d’un fin presque brutal. C’était la première fois qu’elle le voyait ainsi, en chair et en os.

D’une pensée, elle chargea le harem de cacher les sons, les lueurs, et la fumée. Elle le chargea aussi de contrer le feu qui se répandait. Puis elle protégea son frêle corps d’humaine contre la chaleur de fournaise s’échappant de lui. Elle était excitée, prête, mais elle voulait voir cet étalon qu’elle n’avait jamais vraiment vu. Il prit les épaules de Milène dans ses mains, son impatience manifeste, et tenta de la pousser sur le lit, mais elle s’esquiva, riant de manière espiègle.

« À mon pas, Arkann, ou pas du tout. »

Des colonnes de fumée s’échappèrent de ses naseaux, et il montra les dents, les longues canines qui lui permettaient de boire le sang de ses proies. Les flammes lichaient son corps de manière intense, reflétaient son ardeur. Mais il se tint tranquille. Elle l’inspecta sous toutes ses coutures, lui leva même la queue pour voir et soupeser ses pesantes couilles, ce qui le fit piaffer d’indignation et presque se retourner, mais c’est elle qui avait le contrôle, et il se garda bien d’agir.

« Je te trouve bien téméraire, » il lui dit d’une voix profonde et grave qui la fit frémir de désir. Son expression était intense, rivée sur elle.

Elle jouait avec lui, le tourmentait, le traitait presque comme un objet, et lorsqu’il ne coopérait pas, elle s’éloignait de lui, le faisant attendre jusqu’à ce qu’il capitule. Elle sentait la puissance d’Arkann, prête à se déchaîner. Il pensait qu’elle prendrait sa vraie forme, mais il se trompait. Il allait devoir se contrôler.

Et puis la pièce de résistance, qu’elle avait gardé pour la fin. Elle prit ce godemiché qu’elle avait porté en elle si longtemps. Elle compara l’objet avec le membre tressaillant d’Arkann. Chaque nervure, chaque détail était rigoureusement exact. L’objet était plus petit. Pouvait-elle l’accommoder ? Elle n’en était pas sure. Il fallait essayer.

Arkann, de son coté, tentait de l’aguicher, soufflant flammes et fumée sur elle, utilisant le doux duvet de son museau pour lui caresser la face. Elle allait risquer sa vie. Ne méritait-elle pas un gage d’appréciation ? « À genoux, Arkann. Fais moi sentir ta langue… »

Il égratigna la peau de son cou avec ses canines acérées en une menace à peine voilée, mais elle n’avait aucune crainte. Elle avait un levier incomparable, et elle s’en servit sans vergogne. Lentement, brûlant sans contrôle, Arkann mit un genou à terre. Il devait baisser la tête pour atteindre les seins de Milène, ses mains allant se poser sur les fesses de celle-ci. De gros doigts puissants qui pétrissaient sa chair alors qu’une langue brûlante commençait à explorer délicatement sa peau, traçant une spirale centrée sur son mamelon droit, s’approchant de lui paresseusement, comme si Arkann avait toute la patience du monde. Elle sentait les canines qui égratignaient délibérément sa peau, pour verser sa salive venimeuse en surface. Un venin aphrodisiaque, qui servait à maintenir une proie dans un état de distraction avancé pendant que le prédateur buvait goulûment le sang nourricier.

Sa bouche atteignit le mamelon, puis les lèvres se serrèrent autour, la langue titillant le téton de longs moments, appliquant la salive sur toute sa surface. Puis Arkann ouvrit la bouche, et mordit de ses longues canines ce sein délicat et sans défense. Il entendit le gémissement de Milène lorsque le venin entra dans son système, se répandit en elle, lentement. Elle avait donné une fille à Arkann, et ceci était comme lorsque celle-ci, encore bébé, se nourrissait à son sein, plantant de petites dents aigues pour extraire sang et lait. Une douleur brève, suivie par l’effet aphrodisiaque du venin. Avec Arkann, l’effet était multiplié.

Et puis il retira ses canines d’elle, lécha le sang perlant des délicates incisions… et passa à l’autre sein. Cette fois, il alla directement au mamelon, lui donna de longs moments d’attention. Il ne la mordit pas, mais il la poussa, à la renverse sur le lit, ses mains allant sur ses cuisses et les ouvrant à son regard.

Le cœur de Milène battait rapidement. Elle soupirait, tétons humides et, pensant à ce qui venait ensuite. Arkann ne la déçut pas. Il se pencha, glissa son museau entre ses jambes, caressa le sexe dénudé avec le duvet de ses naseaux pour de longs moments, avant de la mordre à l’intérieur d’une cuisse, profondément, trouvant l’artère fémorale sans difficulté. Il ne cherchait pas à se nourrir, mais à l’envenimer, à l’affaiblir par la perte de sang. Chaque battement de cœur envoyait de plus en plus de son venin au travers du corps, la plongeant dans un état presque fiévreux. Elle gémissait, geignait, l’appelait à la prendre, mais Arkann voulait se brûler en elle, lui montrer qui était le maître à ce petit jeu qu’elle avait commencé.

« Arrête. Arrête ! »

Il daigna retirer ses crocs, prenant soin de la guérir pour éviter la perte de sang, mais tourna son attention sur le sexe délicat qui lui était offert, qui se poussait vers lui. Il joua des lèvres, de la langue, et de ses crocs. Il l’égratigna en maints endroits, usant de sa langue pour répandre sa salive, la faire brûler en surface.

Il voulait la faire languir, la travailler, la tourmenter, mais elle n’était pas sans moyen, et le saisit par les oreilles, le força à la joindre sur le lit. Une fois à sa portée, une main se saisit de son membre, et cela scella la reddition mutuelle. Il manoeuvra, la tira complètement sur le lit. Ce lit, léger et démontable, qui n’allait peut-être pas survivre l’épreuve.

Il attrapa les poignets de Milène, les immobilisa au-dessus de sa tête d’une seule main, puis il roula sur elle, et de sa main libre guida son érection jusqu’à elle. Malgré la verge de métal qu’elle avait porté nuit et jour pendant des semaines, malgré son excitation qui l’avait rendu mouillée, elle était trop étroite, trop serrée pour l’accommoder avec aise.

Ses instincts commandaient une brutale conquête : avec grand effort, il parvint à se modérer, à se glisser en elle, centimètre par centimètre, à donner à son corps le temps de s’adapter. Il lui faisait mal, mais de ce genre de mal qui était nécessaire, désiré. Les cuisses de Milène l’agrippaient aux hanches, les chevilles croisées derrière lui, Milène cherchant l’angle qui permettrait à Arkann de s’enfoncer prestement en elle.

Il la pénétra, pressant doucement, s’aidant de la gravité, jusqu’à ce qu’il ne puisse entrer plus profond, même s’il avait les dimensions pour continuer. Ses mains étaient maintenant sur les hanches de la brunette, son poids reposant sur elle, l’enfonçant dans le matelas de paille. Il l’écrasait, et elle devait utiliser ses mains pour se donner de l’espace pour respirer, la poitrine d’Arkann contre son visage. Elle lui laissa sentir ses ongles en rappel, même si elle s’accommodait bien de cette situation, et il bougea un bras pour l’aider un peu, une réaction plus automatique que réfléchie.

Il était perdu dans les sensations. L’étreinte mouillée du fourreau qui l’enrobait était si serrée que le mouvement était ardu. Et puis il y avait cette certitude qu’elle lui donnerait des fils, une chose qui était si rare… Ils bougèrent, d’un commun accord, partenaires depuis des siècles. La tête, large et aplatie, agissait comme un piston, et produisait une succion audible, un son obscène.

Le plaisir d’Arkann était multiplié par les sensations offertes par son corps réel, dont il ne s’était pas servi depuis des siècles. Il frémissait de puissance et de force à peine contenue. Il clouait Milène au fond du matelas, le bois du lit craquant à chaque fois qu’il s’enfonçait en elle, ce craquement accompagné par les petits cris de douleur et de plaisir que Milène n’arrivait plus à contenir.

Il s’imposait au corps de la femme, et il augmentait graduellement la cadence, dévoré par les flammes, par son ardent désir. Il sentit l’une des mains de Milène se fermer autour de son pénis, la partie qu’il ne pouvait insérer en elle. Puis l’autre main vint aussi, pour ajouter une certaine longueur, l’empêcher de s’enfoncer trop profondément en elle. Un soupir lorsqu’elle serra très fort. Les mains lui permettaient d’être plus vigoureux sans risquer de la blesser.

Un coup de rein, qui la fit crier d’une douleur difficile à différencier du plaisir. Un autre, plus dur. Une cadence plus rapide, plus fougueuse.

Milène… était perdue. Douleur, plaisir, désir et peur formant un mélange puissant, irrésistible. Elle était écrasée sous le poids d’Arkann, avait peine à respirer. Il y avait le venin, qui brûlait dans ses veines. Il y avait la perte de sang, qui faisait battre son cœur plus rapidement. Il y avait le risque qu’elle prenait.

Mais il y avait surtout le plaisir, rendu plus intense par une chasteté involontaire qui avait duré des années, l’aspect physique lui-même, son propre désir… et celui d’Arkann, qui brûlait à ses sens, l’appât du gain car il saurait la récompenser, et le levier qu’elle avait sur lui.

Il brûlait, il avait désespérément besoin de répandre en elle son essence… mais il ne pouvait la prendre avec toute la vigueur qu’il voulait, la fougue requise… et cela plaisait à Milène. Elle lui laissait entendre son plaisir, elle criait, gémissait, appelait son nom au moment de l’orgasme, savourait sa frustration, son désir de connaître la même chose… et il savait exactement ce qu’elle faisait, combien elle jouait avec lui, à quel point le plaisir de Milène était amplifié par ce jeu de pouvoir.

Il savait qu’il y parviendrait… éventuellement. Il sentait son plaisir monter, croître, mais ce corps était fait pour un usage très vigoureux…

« Arrête ! Arrête ! » Milène n’en pouvait plus, son corps trop sensible. Elle lui fit des menaces lorsqu’il ne s’arrêta pas, mais il ne l’écoutait plus, perdu dans cette tempête qui se pointait, qui promettait une intensité rarement atteinte. C’était au tour de Milène de goûter à son remède. Milène avait besoin de repos, de récupérer, mais il ne lui donna pas un instant. En désespoir de cause, elle caressa son esprit, lui montra des images d’elle, lourdement enceinte. Des images des fils qu’elle lui donnerait. Des images d’autres parmi le harem, qui suivraient dans ses pas.

Des images irrésistibles. Il laissa échapper une sorte de hennissement de surprise. Une tempête passant à ouragan en quelques moments, le plaisir trop intense. En quelques instants, il atteignit le point de non retour, brûlant de tous ses feux, s’élançant avec toute sa fougue, sa force, son poids… son pénis tel un bélier aux portes d’une cité assiégée au moment de sa chute, le tout accompagné des craquements alarmant d’un lit de camp au bord de l’effondrement.

Milène criait sous l’assaut, ses mains tentant désespérément de le modérer, de gagner de l’espace, mais elle était trop distraite par cette douleur qui se déguisait en plaisir, cet orgasme qui ne la quittait plus, dont elle ne pouvait redescendre.

Une série de rudes coups de reins… et elle sentit la bouillante essence d’Arkann jaillir en elle, dans ses plus grandes profondeurs, une inondation qui ne tarissait pas alors qu’Arkann vidait le lourd contenu de ses couilles. Il s’acharnait, l’emplissait, lui donnait tout ce qu’il avait à donner.

De longs moments, une puissance allant s’amenuisant, des halètements épuisés, des mouvements perdant leur amplitude. Une plénitude, une grande douceur, une satisfaction sans fin. Arkann roula sur le coté, entraîna Milène avec lui, toujours profondément en elle, la touchant, lui murmurant des mots doux, caressant son esprit. 

Une lourde odeur de sexe, de sueur, de fumée, mélangée avec celle du sang d’Arkann ; Milène l’avait mordu profondément. Ni l’un ni l’autre n’avait remarqué cela.

Milène, qui n’avait plus de force, endolorie, abusée, exténuée… et totalement satisfaite après des années de chasteté.

Ils se caressaient, se frottaient sans force l’un contre l’autre, exprimant sans mot ce qu’ils ressentaient…

C’était fait. Les dés étaient jetés.

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