Ainsi soit-elle...

vendredi 1er mars 2013
par  Dominique
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Son crâne lui fait mal à exploser. Ses membres, sa poitrine, tout son corps, lui semblent lourds ; comme s’ils étaient comprimés ; c’est un peu comme si elle était assujettie entre les mâchoires d’un étau. Et une brûlure lancinante travaille son flanc droit- le haut de sa cuisse, sa fesse et sa hanche. L’air autour d’elle a une odeur entêtante d’encens et de cire consumée. Ses paupières sont pesantes ; elle a entrouvert les yeux avec peine, le temps d’apercevoir une voûte en pierres apparentes, où s’agitent des ombres immenses, puis deux silhouettes voilées qui se penchent sur elle, qu’elle croit reconnaître ; elle voudrait faire l’effort, des images passent dans sa tête comme des flashs : la moto renversée, un cloître, des religieuses qui la portent… Elle entend des voix, l’une douce, suave, l’autre dure, métallique, qui s’entremêlent ; elle s’efforce de saisir ce qu’elles disent mais n’y parvient pas, et tout s’estompe peu à peu ; elle cherche dans un ultime sursaut à se raccrocher à la réalité ; mais c’est au-dessus de ses forces et la nuit, épaisse et noire, l’absorbe à nouveau ..

***

Tout a commencé quelques jours plus tôt, neuf jours exactement…
L’ascenseur de l’hôtel est vide. Déçue, Agathe s’y engage en se balançant légèrement sur un air de hip-hop, ajustant son baladeur dans le creux de ses oreilles. Par bonheur, les parois de la cabine, du sol au plafond, sont revêtues de glaces ; on peut s’y mirer sous tous les angles comme dans une cabine d’essayage. Elle ne s’en prive pas et son propre regard pallie celui des passagers absents . Elle se jauge à nouveau- elle vient de le faire un peu plus tôt en quittant sa chambre-, tourne la tête lentement à droite puis à gauche, courbe puis relève la nuque ; sa main gauche vient caresser ses fesses et l’une de ses hanches. Les miroirs, qui se font face, lui renvoient son image démultipliée et elle s’en amuse ; elle plisse les lèvres, puis les roule, la moue boudeuse, avant d’adresser finalement à son image un sourire éclatant et satisfait. Fière de sa plastique qu’elle ne se lasse jamais de contempler, contente surtout d’avoir osé sa tenue : elle porte un micro-short frangé en jeans délavé qui la serre comme une seconde peau et qui laisse dénudées très haut ses cuisses fuselées et bronzées, et un adorable débardeur en coton blanc piqué de dentelle sans manches, tout aussi minimaliste , dont les boutons menacent d’exploser sous la pression de sa poitrine fruitière ; une petite perle azurée brille joliment dans le creux de son nombril découvert, comme pour ponctuer son ventre plat ; une manchette en métal argenté vieilli entoure son poignet gauche et une croix assez large du même métal mais ajourée, pend, dans l’échancrure de son débardeur, entre ses seins. Le bras droit plié le long du buste, elle tient entre deux doigts le col d’une courte veste de cuir fauve jetée négligemment par-dessus son épaule. Mais c’est sa dernière acquisition, qui lui plaît le plus, une paire de cuissardes souples en veau beige, qui gainent ses jambes jusqu’à mi-cuisse, et qui avec leurs très hauts talons affinent un peu plus sa silhouette gracile. Provocante mais sans être vulgaire… L’absence de maquillage peut-être - ses yeux et ses sourcils seuls sont rehaussés légèrement de noir- ; cette distinction naturelle surtout, avec cette démarche toujours souple et ce port altier de reine dont elle ne se départit jamais … Elle adore cette ambivalence et ce mélange des genres, que peu de femmes, elle le sait, peuvent oser, qui créent le trouble et rendent plus désirable encore, et elle aime en jouer…
Agathe pense à Paul, son mec, qui est resté en Europe ; il serait dingue de la voir ainsi, habillée comme une putain et l’engueulerait ; et c’est sûr, il en tirerait prétexte pour la punir, tout en étant fou de désir ; un bel hypocrite en fait ! Car c’est lui qui a insisté à l’essayage, prenant même à témoin la vendeuse, pour qu’elle prenne une taille en dessous, quand ils ont acheté ensemble le short dans une boutique du Marais ! Et elle revoit en pensées les poses lascives qu’il lui a fait prendre, rentrés chez eux, devant l’objectif de son appareil photo, topless et menottée, avant de la contraindre, le beau salaud, à le sucer en l’appelant sa petite goulue… Mais elle songe, en avisant dans la glace sa queue de cheval, qu’il la préfère les cheveux libres ; et sa magnifique crinière auburn vient aussitôt couler en larges boucles sur ses épaules et le haut de son dos. Comme Paul le voudrait …
Ils se sont rencontrés deux plus tôt dans une boîte parisienne branchée. Elle venait d’avoir vingt ans et traînait son ennui en fac d’éco. Lui est trader et bourré aux as. Il la gâte comme une princesse ; c’est à travers son regard, parfois presque halluciné, qu’elle a pris toute la mesure du pouvoir magnétique qu’elle est capable d’exercer sur les autres ; elle ne se prive pas d’en jouer alors qu’auparavant elle l’exerçait inconsciemment presque, et il n’a pas perdu en force, ce qui est rare. Mais Paul ne fait pas que l’aduler et l’exhiber comme un bel animal, il veille en même temps, en vrai pygmalion, à ses études. C’est lui qui l’a poussée à s’inscrire dans une école de journalisme ; elle a intérêt à bosser car elle a appris avec lui ce qu’était la discipline … Et ses leçons sont cuisantes. Agathe les redoute mais au plus profond d’elle- même, y aspire et les provoque ; et tout en travaillant avec sérieux, elle joue volontiers les indisciplinées ou les capricieuses, sachant bien qu’il n’est pas dupe, pour lui donner prétexte à la punir … Elle repense à sa menace, après son dernier écart de conduite ; quelle est cette duègne sévère à laquelle il dit vouloir la confier ? Ce fou voudrait donc confier son dressage à une femme ! Et un délicieux frisson la gagne …

Mais un signal sonore désagréable, qui indique que l’ascenseur arrive déjà, l’arrache à ses rêveries. Elle fait disparaître ses grands yeux mordorés derrière les verres bleus fluo d’une paire de lunettes d’aviateur.
La porte automatique s’ouvre sur le hall, assez vaste, à la mesure de l’hôtel, un établissement de deux cents chambres fait pour le tourisme de masse, où elle a dû séjourner pendant son reportage, faute de mieux dans cette île des Caraïbes encore mal équipée, et qu’elle est contente de quitter, habituée maintenant aux palaces que lui offre Paul.
Il y a affluence. Des vacanciers bruyants, en tenues estivales chamarrées, sans doute venus là en groupes, partent, d’autres arrivent ; le personnel s’affaire au milieu d’eux et de leurs bagages éparpillés pêle-mêle, dans un brouhaha général où différentes langues se mêlent.
Agathe avance, la démarche féline et souple, souriant intérieurement, sûre de son effet, mais affectant une moue de dédain, sans se forcer car à son goût tout respire la vulgarité autour d’elle.
Un couple, qui fait face à l’ascenseur, reste coi, l’homme écarquillant les yeux, la femme affectant une mine scandalisée, en la toisant des pieds à la tête.
Progressivement, tous les regards fusent vers elle, les conversations s’estompent, faisant place à des murmures sourds. C’est comme si elle avait fait son entrée sur une scène. Cela l’amuse beaucoup de susciter ainsi des débuts d’incendies ; de provoquer brusquement le désir, cette envie soudaine de viol, qu’elle lit dans le regard des hommes, chez certaines femmes aussi, bien qu’elle sente plus souvent chez ces dernières une rage folle et des envies de meurtre !
Elle ralentit le pas pour faire durer le plaisir et savourer son pouvoir, en faisant claquer davantage ses talons sur le carrelage, cambrant bien la taille, remuant les fesses de façon ostensible, la poitrine en avant, la démarche chaloupée. Hautaine et conquérante...
Elle repère un homme d’âge mûr, en blazer marine sur un pantalon de toile beige bien coupé, qui la boit de son regard livide ; elle le juge pas mal foutu, moins vulgaire que les autres en tout cas. Il doit être accompagné de sa femme, plus jeune, une grande rousse aux yeux verts, assez bien montée aussi, moulée dans une robe noire très courte, laissant ses bras dénudés, qui serait tout à fait jolie n’était une bouche tombante qui lui donne un air mauvais. En passant devant eux, elle relève ses lunettes, tourne et projette son visage bien en face de lui, et lui campe ses yeux dans les yeux, entrouvrant les lèvres, provocante... Il devient cramoisi et reste comme pétrifié sur place. Agathe est sûre qu’il bande déjà dans son froc. La femme, furieuse du manège, murmure une vilénie et donne un coup de coude à son mari, tout en lançant un regard assassin à Agathe qui lui offre en retour son plus beau sourire.

« Merci Mademoiselle », articule avec peine le réceptionniste quand Agathe lui remet la carte de sa chambre. Il n’en croit pas ses yeux. Comment la jeune femme si sage de la veille, si sobre dans son pantalon de toile ample et sa saharienne, a pu se transformer ainsi ?
« La moto tout terrain que vous avez louée vous attend devant l’entrée, en voici la clef, vous trouverez le casque accroché au guidon », poursuit-il, non sans mal, la bouche sèche, mais assez fier au fond d’être le seul à pouvoir lui adresser la parole, comme s’il s’était agi de parler à une déesse …
Après avoir enfilé sa veste et une paire de mitaines du même cuir que celle-ci, Agathe enfourche le bolide, se coiffe du casque, met le moteur en marche et prend plaisir à le faire vrombir un bon moment, avant de démarrer en trombe, le buste droit, les bras en éventail , altière, devant une assistance ébahie.

La région est superbe.
La route, qui est plutôt une piste, permet de découvrir des points de vue successifs sur la côte et la montagne.
Agathe a ralenti l’allure et se laisse caresser par une douce brise venue de la mer, une sensation délicieuse de légèreté et de liberté la gagne progressivement.
Elle roule ainsi une bonne vingtaine de kilomètres, des mèches de cheveux au vent dépassant de son casque, presqu’enivrée, laissant dans son sillage un nuage de poussière. La piste, qui s’est éloignée progressivement de la mer, attaquant la montagne en lacets, est vide de tout véhicule.
Elle passe deux cols. Le décor devient de plus en plus désolé, les pinèdes font place d’abord à une végétation clairsemée, puis à la caillasse ; plus aucune habitation, juste de temps en temps quelques cabanes en tôles ondulées, sans âme qui vive ; la route elle-même est maintenant incertaine, creusée d’ornières et jonchée de pierres souvent saillantes qu’il faut anticiper et contourner. La brise marine qui caressait Agathe un peu plus tôt, ne passe pas dans ces montagnes minérales et arides où l’air semble immobile ; et elle a la sensation désagréable de commencer à cuire sur sa moto.
Elle songe même à faire demi-tour, quand, au détour d’un tournant, elle aperçoit en contrebas de la piste, au fond d’un canyon qui semble hors du monde, une grande bâtisse, faite de plusieurs corps de bâtiments blancs, surmontés d’une tour-clocher ; un monastère sans doute. Elle s’arrête pour mieux voir ; c’est bien ça. Le site est extraordinaire, presqu’improbable. Elle repère le chemin qui permet d’y accéder. Il faut descendre sur un ou deux kilomètre pour en croiser l’embranchement. Elle démarre en trombe, dévalant à vive allure la piste accidentée et sinueuse, coupant les virages dangereusement, la moto inclinée, pressée de gagner son but. Et brusquement, à la sortie d’une courbe, sa roue arrière crisse sur les gravillons et heurte une pierre ; elle pressent le danger et veut redresser sa trajectoire ; en vain. La moto sort de la route et Agathe est projetée sur le bas-côté brutalement ; sa tête, casquée heureusement, heurte le sol ; elle ressent d’abord une douleur vive mais très vite tout devient noir autour d’elle et elle perd connaissance …

Combien de temps a passé depuis qu’elle a quitté l’hôtel, s’est-elle assoupie, elle ne le sait au juste… Une lumière vive l’aveugle d’abord puis tout devient net soudain.
Que fait-elle là campée devant l’énorme porche, le casque à la main ? Elle se surprend à agiter la corde de la cloche qui permet aux visiteurs de se signaler. Le soleil au zénith répand une lumière presque blanche.
L’endroit est-il habité par des moines ou par des religieuses ? Agathe penche pour la première hypothèse, compte tenu de son éloignement de tout et de son environnement insolite. Comment, en effet, des femmes pourraient-elles habiter dans un coinaussi perdu ?
C’est alors qu’elle se dit que sa tenue n’est peut-être pas tout à fait appropriée au lieu, et qu’on ne la laissera sans doute pas entrer ; elle avise aussi la poussière envolée de la piste sur le passage de la moto, qui a sali ses bottes, le haut dénudé de ses cuisses, son short ainsi que son blouson, et elle imagine qu’elle a la figure d’un charbonnier. Ils la prendront pour une envoyée du Diable ! Elle ressent une gêne mais en même temps s’amuse à cette pensée.
Un volet en forme de jalousie, ménagé dans le porche, s’entrouvre, et à sa grande surprise, s’y encadre un visage féminin, très jeune.
Contre toute attente, il s’agit donc d’un couvent.
« Bonjour ma sœur, désolée de vous déranger, mais je me demandais s’il était possible de visiter ».
La religieuse la regarde, interloquée, comme si elle avait vu une extra-terrestre !
Elle a un joli visage un peu poupin, illuminé par deux grands yeux bleus innocents. D’une voix cristalline :
« Nous ne recevons jamais de visite mais vous semblez venir de loin … Veuillez patientez, je vais voir si c’est possible ».
La trappe se referme.
L’attente est longue ; les rayons du soleil cognent sur le paysage de pierres. Agathe avale des gorgées d’eau à sa gourde pour se rafraîchir puis afin de se dégourdir les jambes, un peu ankylosées par la moto, fait quelques pas jusqu’à l’ombre d’un pin parasol planté là comme par miracle. Elle retire sa veste et elle déboutonne un peu plus son débardeur dénudant le haut de ses seins sur lesquels elle vide le fond de sa gourde. Soudain un grincement trouble le silence ; cela vient du couvent. Elle se retourne et ses yeux ont juste le temps de saisir deux prunelles qui luisent dans la pénombre d’une meurtrière creusée dans le mur d’enceinte. Un volet claque. Cela a duré l’espace d’un éclair, suffisant cependant pour qu’elle se sente comme transpercée ! Sa gorge se noue ; un frisson la glace malgré la canicule. Un sombre pressentiment la gagne. Et elle regarde sa moto, songeant à repartir sans attendre ; elle s’apprête même, décidée, à l’enfourcher quand le porche s’ouvre sur la jeune nonne qui l’a accueillie un peu plus tôt.
« J’ai obtenu l’autorisation de notre Mère ; entrez, je vais vous mener à elle. Moi, c’est sœur Theresa. »
La religieuse a prononcé ces mots de façon presque mécanique, écarquillant ses grands yeux de poupée ; elle est visiblement toute ébahie à la découverte de la tenue de son hôte. Et elle fixe la poitrine épanouie à laquelle colle le tissus du débardeur mouillé et diaphane. Ses joues se teintent soudain de carmin
Agathe sourit intérieurement devant son trouble, et lui donne à son tour son prénom. Perdant toute appréhension, rassurée par le visage angélique, elle se décide à entrer.
« Veuillez me suivre, Agathe », bredouille la nonne maladroitement.
La lourde porte se referme derrière elles dans un bruit sourd.
Elles longent un couloir étroit, enfilent plusieurs portes, traversent une grande salle vide, puis une cour. L’endroit est très beau, mais Agathe se sent à nouveau mal à l’aise. Elles n’ont croisé personne, elle a seulement perçu des chuchotements, des froissements de robe, comme si on les épiait. Et le claquement de ses talons sur le sol dallé, qui résonne troublant le silence, la gêne maintenant, comme sa tenue qui ne convient décidément pas à l’endroit où elle regrette presque d’être entrée.
Un trouble étrange la gagne quand la jeune Theresa lui désigne la porte ouverte sur la cellule ou le bureau, elle ne sait au juste, de la Supérieure du couvent.
C’est pourtant une vaste pièce agréable, très claire, où règne une délicate odeur de vanille ; elle ouvre sur un patio charmant, planté de petits arbres fruitiers et de rosiers, et agrémenté d’une fontaine. Le tout tranche avec l’austérité du reste du couvent.

« Laisse-nous ! »
Lla voix est métallique, le ton autoritaire, sans appel. La jeune nonne se retire à regret, une ombre d’angoisse voilant soudain ses jolis yeux. LIRE LA SUITE




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Commentaires

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mercredi 6 mars 2013 à 18h25 - par  henri

Bonjour, j’aime votre ambiance erotico-religieuse, a chacun d’y trouver son imagination passionnée...Henri