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L’Époque n’allait pas tarder.
Comme le solstice et l’équinoxe, l’Époque du rut revenait deux fois l’an, toutes les dix pleines lunes. Méhéria le regrettait, mais même son statut de cheffe de clan n’y pouvait rien. Méhéria était impuissante contre ce cycle qui régentait la vie des femmes du clan des collines bien plus encore qu’elle ne pouvait le faire, elle qui dominait ce clan depuis qu’elle était adulte. Méhéria, comme toutes les autres femmes, devait se soumettre à l’instinct du rut. Dans quelques jours, et pendant une phase de pleine lune complète, les femmes qui n’avaient pas été couvertes avec succès lors de la précédente Époque entreraient dans leur période de rut ; et elles deviendraient des femelles incontrôlables si aucun mâle ne leur était proposé pour calmer leur rut. Si le cycle se déroulait bien, que de vigoureux mâles étaient capturés et satisfaisaient leurs besoins, certaines en sortiraient engrossées, les autres seraient apaisées.
Le clan avait capturé un jeune mâle, frêle et apeuré, réfugié chez les mâles des collines, ceux-là mêmes qui survivaient pour qu’elle et ses sœurs puissent les chasser lors du retour de l’Époque. Il leur faudrait encore en piéger au moins un autre, celui-ci était trop fragile et il ne pourrait satisfaire toutes celles du clan qui en auraient besoin avant qu’épuisé, il ne défaille et meure. C’était l’habitude, à chaque Époque, au moins deux mâles s’avéraient nécessaires pour accomplir le rituel et apaiser le rut des femmes du clan que dirigeait Méhéria. Ce soir, dès que la nuit aurait obscurci la contrée, les femmes se remettraient en chasse.
Depuis la nuit des temps, les aïeules de Méhéria avaient dirigé le clan. Depuis la nuit des temps, le clan chassait l’homme pour satisfaire à la reproduction lors de l’Époque du rut. Les femelles qui naissaient du rut faisaient partie du clan, les mâles étaient éliminés dès leur naissance. C’est ce qui était enseigné oralement au clan. Mais Méhéria savait que la vérité était différente.
Bien avant la nuit des temps, les mâles et les femelles vivaient côte à côte. L’homme dominait la femme dans un monde appelé Patriarcat. Puis, pour une raison inconnue, ce monde changea. Les femmes n’eurent plus besoin des hommes. Elles se reproduisirent sans lui, abandonnant parfois les mâles à la naissance, les condamnant souvent à une mort certaine, car les hommes étaient accusés d’avoir fait dépérir la Terre puis de l’avoir menée à sa perte. Comment les femmes purent-elles se passer du mâle ? Dans ces temps-là, les femmes connaissaient la magie permettant de faire naitre des bébés sans avoir besoin du rut. Puis cette magie fut perdue, car la Terre devint stérile et l’on n’eut plus assez de temps et de ressources à consacrer au maintien de cette connaissance face à l’urgence de la survie de l’espèce.
Cependant, les femmes étaient alors bien plus nombreuses, bien plus intelligentes, bien plus malignes que les hommes. Elles se mirent à les chasser, pour les réguler d’abord tant que la magie existait ; pour leurs besoins de reproduction ensuite, lorsque la magie fut perdue. Les prémisses de l’Époque étaient là. D’abord une fois au printemps lors de la montée de la sève et des désirs vigoureux qui l’accompagnait, puis une deuxième fois dans l’an pour celles qui n’avaient pas été engrossées lors du premier rut. Mais toutes les femelles ne mettaient pas bas après ces périodes de rut répétées, les montées de sève alors persistaient. Et ainsi le cycle des chaleurs s’établit et se perpétua. L’Époque était en place.
Il fallait capturer un autre mâle sans quoi les femmes insatisfaites se transformeraient ; leur rut inassouvi en ferait des femelles en rut pire que les animaux sauvages les plus ignobles. Méhéria détestait ça, elle avait déjà vu des femmes devenir des femelles dans un tel état de dépravation et de déchéance. Elle ne voulait à aucun prix que cela arrive encore. Elle jetterait le jeune mâle en pâture aux plus atteintes, mais elle savait déjà que ce serait insuffisant, car ce jeune mâle mourrait d’épuisement avant d’avoir pu satisfaire la moitié des femelles déchainées qu’elles seraient devenues. Pourtant Méhéria avait testé le jeune mâle, malgré son aspect frêle, il était vigoureux, il bandait avec force et constance. Dès qu’une femme s’approchait de la cage où on l’avait enfermé, sa verge se dressait sans attendre, prête à servir et restait ainsi, tendue à craquer, de longues minutes sans la moindre sollicitation visuelle, olfactive ou sensuelle. Cette absence de besoin de stimulation sexuelle ne manquait d’ailleurs pas de questionner Méhéria. Mais qu’en serait-il lorsque des furies déchainées se jetteraient sur lui et exigeraient sa semence à longueur de nuit et de journée ? Méhéria savait, car elle serait l’une d’elles.
Elle sentait monter le désir en elle. Encore contrôlable certes, mais sa vulve se trempait trop souvent pour ne pas l’alerter sur l’imminence de l’Époque. Ses seins semblaient s’alourdir de jour en jour et leurs pointes durcir sans raison. Elle se surprenait à les tordre et les tirer sans en être consciente.
Elle lui arrivait de roder près de la cage du jeune mâle, de lui toucher le sexe pour en apprécier la taille et la dureté. Le jeune ne devait pas avoir plus de vingt printemps. Il était né dans les collines, ce n’était pas un évadé de la nursery du clan, il en aurait porté une marque. Tous les bébés mâles n’étaient pas tués à la naissance contrairement à ce qui était enseigné au clan. Certains, semblant plus robustes, étaient élevés jusqu’à l’adolescence, marqués d’un petit symbole discret, et relâché dans les collines, en laissant croire qu’ils s’évadaient. On les abandonnait là où l’on savait qu’ils trouveraient d’autres rebelles mâles pour prendre soin d’eux. Ainsi on s’assurait que la chasse disposerait toujours d’un gibier reproducteur… Mais ce jeune devait être issu d’une autre lignée, d’un autre clan sûrement ce qui assurait le renouvellement du sang.
La nuit s’avançait. Il était temps de se préparer à repartir en chasse d’un autre mâle. LIRE LA SUITE
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