Jeux de miroir

Où les retrouvailles de Marie et de Sophie
samedi 11 octobre 2003
par  Marine
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Sirotant son Martini Gin Marie attend. Mais qui attend-elle : un fantôme du passé ? La question la laisse songeuse. Ses yeux de chat mi-clos au très longs cils maquillés, elle tire machinalement une bouffée de son petit cigarillo. Sapho l’a appelée, pourquoi ? Que veux-t-elle ? Le passé est le passé…

Il avait fallu le hasard de ce vernissage à la Galerie BOITIERS vendredi dernier, cette exposition de photos de nus, pudibondes et insipides, cette bousculade au buffet, le champagne sur la robe d’Orane pour retrouver Sapho. Quelle coïncidence : Orane - Sapho dans un même lieu : jeux de miroirs !

Les deux femmes furent autant surprises l’une que l’autre de se retrouver face à face après tant de temps. Un peu gênée, on se fit la bise, tout juste un effleurement de peur de d’en faire trop. Puis, toutes deux étant accompagnées, les présentations d’usage :

- Maria… je te présente Fabien, mon mari !

- Non Marie…

- … Excuse moi ! Marie…

- Ravie !

(Ce Fabien, ne lui est pas totalement inconnu… mais où l’ai-je vu ? Un fantôme aussi… J’ai trop bu pense Marie.)

- Sapho… euh décidément !

- Un lapsus, dit en souriant Fabien

- Non, trop de Martini Gin… Pardon Sophie je te présente Orane, une amie.

Et disant cela elle presse contre elle la taille dénudée de la jeune fille… qui se sent rougir de la tête aux pieds.

Maria n’a pas changé, toujours aussi belle. Toujours aussi sûre d’elle et ce regard. Mais ce lapsus sur les prénoms réveilla de vieux souvenirs douloureux que Sophie pensait à jamais enfouis dans sa mémoire.

Instinctivement, elle détailla la jeune fille qui accompagnait Maria - Très jeune, à peine vingt ans sous le lourd maquillage et la tenue provocante qu’affectionnait et affectionne apparemment toujours Marie pour ses p’tites amies. Il ne fait aucun doute quelle couche avec cette gamine, de la manière dont l’autre la mange des yeux. Fabien, n’était pas non plus indifférent aux formes juvéniles à peine voilées et fixe le collier de chien autour du cou d’Orane mi-amusé, mi-intrigué. Si Fabien savait… Pourvu que Marie ne fasse pas allusion à leur passé.

Sous des airs décontractés, l’atmosphère est tendue. On bavarda de chose et d’autres, de photos, de l’expo…Sophie se dit choquée par certaines images. Marie lui sourit gentiment.

Toi, choquée pense Marie, c’est cocasse !

La jeune femme a compris sa bourde, se mord les lèvres et baisse les yeux..

Fabien embraye sur la libération des mœurs, les nouvelles relations homme - femme et fustige au passage Sophie qu’il juge trop pudique. Disant cela, il jette un œil sur Orane qui joue avec une mèche de cheveux. Puis on échange ses coordonnées en promettant de se revoir sans trop y croire.

Happée par un grand échalas, Marie et sa compagne du moment repartent dans le tourbillon de la foule.

Combien de temps était passé pensa Marie : cinq ans, non déjà sept ans. Oui sept, j’avais juste…et elle a à peine vingt ans une oie blanche. Guère plus âgée qu’Orane. Je venais juste de quitter… Quitter façon de parler. On ne quitte jamais Maître Pierre….

Oui, sept ans répète-elle que le temps passe ! Que de merveilleux souvenirs et en même temps quelle humiliation ! Pour cette conne… cette garce…. On se calme ! Une fille qu’elle avait choisie pour… et qui l’a quitté comme ça sans un mot du jour en lendemain. Disparue, volatilisée la Miss. Elle avait même imaginé le pire… quelle conne j’ai été. Mais ma plus grave erreur est de l’avoir présentée à Maître Pierre… Humm. Le Maître a fait une fixation sur Sapho. Je lui avais dit qu’elle n’était pas encore totalement prête. Pierre m’en a voulu et me l’a fait payer cher. Petite garce ! Tu ne sais pas ce que j’ai enduré à cause de toi… C’est le passé… et il n’est pas bon de ressasser le passé cela donne des rides. Et elle écrase son cigare dans le cendrier.

Le rendez-vous Chez Ophélia, c’est une idée à elle. Marie aime bien ce lieu, un très beau restaurant que Sapho connaît bien d’ailleurs, avec sa mezzanine et sa coupole art déco. Si les banquettes pouvaient parler… sourire ! En allumant son deuxième cigare, elle jette coup d’œil à sa montre : déjà dix et toujours pas de Sof. Le diminutif de Sophie qui est devenue rapidement disciple de Sapho entre ses bras. Puis le surnom resta. Partout on parlait de Sapho et Maria comme SM, leur jeu maudit.
Cette grande fille avec sa queue de cheval en bas n’est-ce pas Sophie ? Marie est tentée de lui faire un signe pour signaler sa présence, mais se ravise. Sophie a choisi pour l’occasion un haut à grosses fleurs sur une jupe longue, couleur sable, que l’on peut cintrer au niveau des chevilles mais qui l’oblige à marcher à petits pas. La voir se dandiner d’un bout à l’autre du restaurant est un spectacle. Elle profite que Sophie lève les yeux vers la mezzanine pour lui faire signe de la main. C’est bon elle l’a vu.



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