Les yeux bandés

lundi 24 mars 2008
par  Christine Arven
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Le cœur battant la chamade, Lisa se glissa comme venait de le lui demander son maître à l’arrière du véhicule et recouvrit soigneusement, un peu fébrile, ses yeux d’un épais bandeau en velours noir. Puis, ainsi plongée dans l’obscurité, elle se rencogna silencieuse au fond de son siège refoulant les questions qui se pressaient au bord de ses lèvres. Elle se sentait oppressée par un poids qui pesait lourdement sur sa poitrine l’empêchant de respirer à fond. Elle n’avait néanmoins pas de réelles craintes. Juste une légère appréhension mitigée d’impatience à l’idée de cette soirée spéciale concoctée par Christian qui lui en avait soigneusement tu les détails. De toute façon quand elle était avec son Maître, Lisa n’avait jamais peur. Elle avait en lui une confiance absolue et sans condition qui lui permettait de le suivre où qu’il veuille l’emmener. « Tout ce que tu auras à faire est de te laisser guider et d’exécuter tout ce qu’on te demandera » lui avait—il dit avant d’ajouter avec un sourire empreint d’une malicieuse tendresse « … de toute façon ce sera des choses que tu adores faire… ou qu’on te fasse ma petite chienne en chaleur qui aime se faire mettre dans toutes les situations, simplement tu auras les yeux bandés, c’est la seule différence ! ».

Il n’avait tort, bien sûr. Christian la connaissait si bien et savait jouer sur sa curiosité toujours en éveil qui l’entraînait à se prêter, sans grande réticence malgré ses airs effarouchés, à de nouveaux jeux.

Mais ce soir était une première. Et Lisa ne savait pas vraiment comment elle allait réagir. Aussi, quand son maître lui avait proposé cette soirée, lui avait—elle objecté un refus de principe, ne voulant pas, de peur de le décevoir, lui céder trop vite. Elle le connaissait bien aussi et savait qu’il aimait qu’elle lui oppose une certaine résistance, ne serait—ce que pour faire valoir ses prérogatives de maître tout puissant qui pouvait la faire plier devant sa volonté. Un jeu entre eux, auquel aucun des deux n’étaient dupes mais auquel ils attachaient trop de prix pour ne pas s’y soumettre. Lui, le maître, à qui elle, la soumise, ne pouvait qu’obéir quoiqu’il lui en coûte. Mais sa curiosité et son goût de l’aventure étaient trop présents en elle et trop aigus pour q’elle puisse réellement refuser de se soumettre à cette nouvelle expérience. Toutefois, là maintenant, assise dans la voiture à attendre elle ne savait trop quoi, Lisa sentait son assurance fondre et se demandait ce que l’imagination fertile de son maître avait pu lui concocter.

Les minutes s’égrenaient silencieuses. Christian avait allumé une cigarette oubliant, à dessein d’en proposer une à Lisa qui était comme lui une fumeuse invétérée. Un petit supplice supplémentaire qu’il lui imposait. Il était persuadé qu’elle en mourrait d’envie. Mais oserait—elle en faire la demande ? Il était prêt à parier que non. Quand tout à l’heure, elle était sortie du véhicule pour s’installer à l’arrière, juste avant de descendre elle lui avait un coup d’œil rapide certes mais il avait pu voir néanmoins son regard se troubler, devenir plus opaque et ses pupilles se dilater ainsi que c’était chaque fois le cas quand la Lisa sociale et sûre d’elle laissait la place à l’autre qu’il aimait tout autant : la chienne, la salope lubrique, la soumise. Celle qui aimait se soumettre et jouer à ces jeux d’adultes dans lequel il l’entraînait, y prenant un plaisir sans cesse renouvelé. Celle qui perdait toute volonté et lui donnait toute liberté d’user d’elle comme il l’entendait.

Dans le rétroviseur, il regarda Lisa lovée, comme une chatte aux aguets prête à bondir, au fond de son siège son manteau frileusement resserré autour d’elle. C’est vrai que dessous, comme cela était habituellement le cas quand ils partaient ainsi en expédition libertine, elle ne portait pas grand—chose. Une simple guêpière qu’il avait voulu ce soir rouge grenat, en voile transparent qui laissait libre ses seins, assortie de bas en résille, rouge également, retenus par des jarretelles. Le rouge lui allait si bien mettant en valeur la matité cuivrée de sa peau ainsi que sa longue chevelure brune qu’il lui avait demandé d’attacher en un chignon flou.

L’attente semblait interminable à Lisa. Qu’attendaient—ils donc là dans cette voiture au milieu de la nuit ? Elle n’en pouvait plus. Peu à eu, elle sentait l’appréhension qui tout à l’heure était ténue, s’accroître au fil des minutes. L’esprit enfiévré, elle imaginait toute sorte de scénarios plus rocambolesques les uns que les autres. Peut—être son maître attendait—il que la rue soit plus calme pour arrêter un passant en maraude et lui offrir Lisa en pâture ? Ou bien, il allait lui demander de sortir de la voiture et d’aller, elle, aborder un inconnu et s’offrir à lui ? Contre de l’argent ? Jouer à la pute ? Ils avaient si souvent ruminé ce fantasme de la femme vénale. Peut—être celui—ci allait—il prendre vie ce soir ? Lisa en frémit. Imaginer une chose et la faire, il y a un monde entre. Soudain, elle s’affolait. Non, Christian ne l’obligerait jamais à cela. Il tenait trop à elle et à l’exclusivité qu’il avait sur son corps. Oui, mais si c’est lui qui l’exigeait, pourrait—elle refuser ? Le décevoir ? Et puis, il fallait bien l’admettre, se donner devant les yeux de son maître à un inconnu l’excitait. C’était indéniable. L’humidité qu’elle sentait sourdre au creux de son corps alors que s’agitaient en elle ces images, ne laissait aucun doute à ce sujet. Elle sursauta violemment quand elle entendit la portière avant de la voiture s’ouvrir.

— Christian, dit une voix masculine d’un ton interrogateur

— Oui, c’est bien moi. Paul j’imagine ?

— Exact. Excuse—moi du retard. C’est galère pour se garer par ici.

— Pas grave, le retard. Cela ne fait pas très longtemps de toute façon que nous sommes là. Mais je t’en prie, montez donc.

— Je vois que tu as déjà installé ta soumise à l’arrière. Et elle a les yeux bandés ! Parfait. Ma soumise va aller la rejoindre pour lui expliquer, si tu n’y vois pas d’inconvénient, le déroulement de la soirée et finir de la préparer.

— Ca me va tout à fait.

— Bien. Alors allons—y ! Je t’expliquerai au fur et à mesure, le chemin à prendre.

Lisa entendit la portière à sa droite s’ouvrir et quelqu’un s’installer à ses cotés alors que la voiture démarrait en douceur. Elle songea fugitivement que son maître non plus ne savait pas exactement où il se rendait et elle ressentit une vague d’angoisse la traverser mais déjà une douce voix féminine lui murmurait doucement :

— Bonsoir Lisa, je m’appelle Chloé et je suis la soumise de Monsieur Paul, mon maître.

La gorge soudain nouée d’émotion, Lisa esquissa un faible bonsoir alors que Chloé continuait :

— Ce soir, je vais être ton guide. Tu dois me faire une entière confiance. A aucun moment je ne te quitterai, je te le promets. Je vais commencer par t’énoncer les deux règles impératives qu’il va te falloir suivre scrupuleusement. D’accord ?

— Oui, lui répondit Lisa d’une voix dont elle ne put empêcher le frémissement.

— Bien, reprit Chloé, première chose, il t’est interdit de parler sans y être autorisé au préalable et sauf pour répondre aux questions qui te seront posées directement. Deuxième règle, tu dois impérativement conserver durant toute la soirée ce bandeau sur tes yeux…

— Toute la soirée ? L’interrompit Lisa d’un ton à la fois surpris et inquiet

— Oui, toute la soirée. C’est obligatoire.

— Mais je ne vais rien voir…

— C’est le but recherché, ma belle, lui répondit Chloé un sourire dans la voix. Ce soir il va te falloir faire appel à ton imagination. Même moi, tu devras m’imaginer puisque tu n’entendras que ma voix. C’est bien non ?

— Oui, bien sûr, répondit Lisa pas vraiment convaincue.

Il était un fait qu’elle aimait voir ce qui se passait autour d’elle qui accroissait notablement son excitation. Quand elle voyait son maître se saisir du martinet ou de la cravache, ou bien des bougies, cela lui permettait d’anticiper les sensations à venir. De s’y préparer aussi. Egalement, au cours de ces soirées, elle aimait observer les autres couples, regarder se tordre de douleur et de plaisir mêlés le corps d’une soumise que son maître flagellait, ou bien encore, assister muette de désir à la lente intromission d’un sexe épais dans un cul offert et le voir se mouvoir ensuite d’avant en arrière. Elle était, il fallait bien en convenir, un peu voyeuriste. Pourtant, l’idée d’être aveuglée toute la soirée faisait lentement son chemin en elle et n’était finalement pas si désagréable. Imaginer… elle savait faire… bien sûr…

— Mais pour l’heure, il me faut finir de te préparer. Tu vas commencer par enlever ton manteau et à la place tu porteras cette cape, continuait Chloé en lui tendant pour qu’elle la touche une large cape en panne de velours grenat avant de la disposer sur ses épaules. Attends je vais t’aider…. Voilà… Hmmmm, la couleur est parfaitement assortie à ta guêpière ! Dommage que tu ne puisses te voir, c’est très beau... Maintenant mets tes mains dans ton dos.

Docilement Lisa s’exécuta. Elle frémit en sentant l’acier froid de menottes se refermer étroitement autour de ses poignets. Chloé lui demanda ensuite de pencher la tête en avant et enserra son cou d’un collier de cuir. Au poids qui pesait sur sa nuque, Lisa comprit que le collier était doté d’une laisse.

— Bien, redresse—toi, reprit Chloé, je vais maintenant orner tes seins de pinces. Si tu es comme moi, tu dois aimer ça, non ? Sentir tes seins pincés…

— Oui c’est vrai, lui répondit Lisa d’une voix que la tension qui maintenant l’habitait d’être ainsi manipulée telle une poupée rendait rauque, j’aime ça. Tu as raison.

— Je te préviens que ça va tirer un peu. Les pinces sont munies de poids. Pas très lourd rassure—toi. Tout juste 50g. Tu vois c’est peu. Tu vas pouvoir supporter sans problème, je pense ? Lui demanda souriante Chloé

— Oui, j’ai dû supporter bien davantage….

— Je m’en doute…

Lisa ne put néanmoins retenir un léger sursaut quand les mâchoires des pinces se refermèrent sur ses seins mais déjà elle ressentait en elle l’effet que lui faisait immanquablement d’avoir les mamelons ainsi pincés et une pulsation de plaisir crispa son sexe. Oh ! Oui, elle aimait ça…

— Dernière chose, reprit Chloé, je t’ai dit que ce soir tu n’entendrais que ma voix et tu ne vas entendre QUE ma voix et uniquement la voix de ceux ou celles qui seront suffisamment près de toi, puisque tu vas porter des boules quies.

Lisa acquiesça d’un léger signe de la tête à cette dernière exigence. Une vague de silence la submergea quand Chloé introduisit avec précaution les bouchons de cire dans ses conduits auditifs. Ainsi donc, songea—t—elle, même l’ouïe lui était ce soir interdite. Elle n’aurait donc à sa disposition pour se repérer que des sensations purement tactiles. Le toucher, l’odorat.

— Maître, monsieur, entendit—elle néanmoins dire Chloé d’un ton déférent, Lisa est préparée suivant vos désirs et attend vos ordres. LIRE LA SUITE

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Commentaires

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mercredi 29 décembre 2021 à 09h58 - par  Henic

Voilà un récit à la fois doux et dur. Dans un contexte BDSM, il est doux par les gestes qui y sont dispensés, et dur par l’angoisse de la soumise aux sens diminués.
C’est un récit fort bien conté, comme d’habitude, avec une l’insistance que Christine fait porter sur le ressenti de la soumise, ses interrogations, doutes, douleurs et plaisirs... On ne peut s’empêcher de trouver le traitement imposé à la fois épouvantable, pour la tension - principalement psychologique - qu’il impose à Lisa, et agréablement adapté à une montée du désir et du plaisir.