Chapitre X

—  Madame Carmen Ruggieri travaille chez nous depuis cinq ans, en fait, depuis qu’elle a terminé son doctorat en physique nucléaire. Elle a participé à tous nos travaux consacrés aux effets de la radioactivité du plutonium, rejet des centrales nucléaires et que nous tentons de recycler. Elle a contribué de manière majeure à l’évolution de nos connaissances sur les traitements accélérés pour diminuer leur danger potentiel et la durée nécessaire à diminuer la radioactivité. Parallèlement, elle a conduit également des travaux sur le stockage de ces matériaux : trouver une alternative à la vitrification de ces déchets.
—  Elle travaillait donc dans une équipe de chercheurs ?
—  En effet. Et vous savez comment sont les équipes de recherches scientifiques. Il y a forte concurrence entre elles et c’est ce qui fait progresser la science plus rapidement.
—  Pensez-vous que dans ce cadre, elle ait pu vivre des animosités ?
—  … qui l’auraient conduite à en mourir ? Madame l’inspectrice ! Nous ne sommes pas dans un « James Bond ». La concurrence est vive, certes, mais sérieuse. La plupart des résultats sont confrontés entre équipes.
—  Individuellement, il y a donc peu de chance que Madame Ruggieri ait eu maille à partir avec un ou une de ses collègues ?
—  Cela, je puis vous le garantir. En tant que directeur de cette unité, je suis formé à gérer ce genre de compétition et surtout veiller à ce que l’échange reste toujours scientifique, sans déboucher sur des querelles personnelles.
—  Pourtant, on m’a laissé entendre que Madame Ruggieri était dotée d’un fort tempérament et qu’elle était plutôt fonceuse.
—  En effet, il y a eu quelques dérapages liés surtout à sa vitesse d’exécution et à son énergie dans le travail. Il faut savoir que lorsqu’elle s’engageait dans une recherche, elle y consacrait tout son temps et son énergie, raison pour laquelle elle n’a guère eu le temps de faire autre chose que de la recherche.
—  Elle n’avait donc pas de relations privilégiées dans son travail ?
—  Ah, je ne dis pas cela. Je lui connais une ou deux aventures, mais très brèves avec des chercheurs, mais qui ont vite tourné court.
—  Vous pourriez me donner le nom d’une de ces dernières relations, par exemple.
—  Oui, bien sûr ! Ce n’est un secret pour personne qu’elle a eu une relation ardente avec le sous-directeur de notre laboratoire, Monsieur Bernard Constantin, un brillant chercheur, doté également d’un caractère tout particulier.
—  Particulier ?
—  Oui, tout brillant qu’il soit, il est très exigeant, voire coléreux et ne souffre aucune contradiction qui ne soit solidement étayée.
—  Cela a dû former un tandem redoutable avec Madame Ruggieri !
—  A qui le dites-vous ! Mais curieusement, ils ont trouvé un terrain commun où s’affronter parce que nos recherches ont eu particulièrement de retentissement à ce moment-là.
—  Ce ne fut plus le cas par la suite ?
—  Si, mais d’une autre façon. L’un comme l’autre a eu besoin d’approfondir des recherches chacun de son côté.
—  Et vous ne connaissez pas les raisons de ce changement ?
—  Bien sûr !
—  Ah ?
—  Oui, l’arrivée d’une nouvelle jeune chercheuse pleine de promesses qui participa aux recherches de M. Constantin, mais pas à celles de Madame Ruggieri. Le conflit fut terrible, mais surtout basé sur des préceptes scientifiques et non personnels, à ma connaissance. Ceux-ci ont perduré jusqu’à ce que Madame Ruggieri fasse une découverte majeure qu’il serait trop difficile de vous expliquer. Du coup, toutes les difficultés s’aplanirent et nous avons vécu à nouveau une époque riche en progression jusqu’à aujourd’hui.
—  Est-ce qu’il m’est possible de rencontrer M. Constantin ?
—  Bien évidemment. Je vais vous conduire dans son bureau.
Alice suivit le directeur le long de couloirs vitrés qui jouxtaient des laboratoires dans lesquels on s’affairait autour d’appareils qui paraissaient très sophistiqués pour une profane. Ils parvinrent dans une autre aile du bâtiment dans un laboratoire qui venait d’être rénové ou aménagé. A gauche de la porte d’entrée, ils entrèrent dans le bureau de M. Constantin qui n’était pas seul.
—  Comment est-ce possible, lui ?
Assis à son bureau, il semblait expliquer avec force gestes à une très belle jeune femme des erreurs qu’elle avait commises, semble-t-il. L’homme était sérieux et exigeant. La jeune femme avait la mine coupable et contrite.
—  Mais puisque je vous dis…
—  Monsieur Constantin, excusez-nous de vous interrompre !
—  Oui, entrez ! Excusez-moi, faites comme je vous l’ai dit, c’est tout, est-ce clair ?
—  Oui, Monsieur !
La jeune femme gênée sortit du bureau.
—  Monsieur Constantin, veuillez nous excuser de vous importuner dans votre travail. Voici l’inspecteur…
—  … Alice Lefranc, police criminelle !
—  Police criminelle, diable ! Madame, que me vaut votre visite ?
—  Excusez-moi, c’est moi qui ai décidé de vous faire rencontrer l’inspecteur Lefranc, car elle inspecte sur la mort de Carmen.
—  Une bien triste disparition, qui va considérablement retarder nos travaux !
—  En effet ! Puis-je vous laisser avec elle ? Elle voudrait vous poser quelques questions.
—  Bien entendu, Monsieur le Directeur,
Celui-ci quitta le bureau, laissant Alice et M. Constantin seul à seule.
—  Que puis-je pour vous ? De quoi est-elle morte ?
Alice le dévisageait et n’en revenait pas. L’homme qui menait la soumise sur l’estrade l’autre jour était le collaborateur de Carmen Ruggieri. Elle dut avaler plusieurs fois sa salive avant de pouvoir prendre la parole. LIRE LA SUITE

— -